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Délits d’immigration

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Actes de la Recherche en Sciences Sociales Délits d’immigration , n°129, septembre 1999, 93 pages.

Paru le : septembre 1999 - Éditeur : ARSS Site de la revue : http://www.ehess.fr/centres/cse/act...

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Le sommaire et les liens de ce numéro 129 "Délits d’immigration" peuvent être retrouvés à cette adresse : ARSS 129

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SOMMAIRE :

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Rompre avec les idées reçues.
LEBARON Frédéric.
p. 3-4

Immigration et « pensée d’État ».
SAYAD Abdelmalek.
p. 5-14

La mondialisation par le bas. L’émergence des communautés transnationales.
PORTES Alejandro.
p. 15-25

Sans-papiers. Les stratégies de séjour des immigrés clandestins.
ENGBERSEN Godfried.
p.26-38

La criminalisation des migrants.
PALLIDA Salvatore.
p.39-49

De l’étranger à l’immigré. La magie sociale d’une catégorie statistique.
SPIRE Alexis.
p.50-56

Une institutrice et ses « petits étrangers ».
GOURIR Malika.
p.57-62

Des « ennemis commodes ». Étrangers et immigrés dans les prisons d’Europe.
WACQUANT Loïc.
p.63-67

Les ghettomen. Les gangs de rue à Abidjan et San Pedro.
LATOUR Éliane de.
p.68-84

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RESUMES :

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Rompre avec les idées reçues. LEBARON Frédéric. p. 3-4

Immigration et « pensée d’État ». SAYAD Abdelmalek. p. 5-14

Les catégories à travers lesquelles nous pensons l’immigration, catégories sociales, économiques, culturelles, éthiques et politiques, sont des catégories nationales, voire nationalistes. L’auteur montre comment l’immigration, la présence au sein de la nation de « non-nationaux », outre qu’elle perturbe tout l’ordre national, porte atteinte à l’intégrité de cet ordre, à la perfection mythique de cet ordre. Le phénomène migratoire en sa totalité, émigration et immigration, ne peut être pensé, ne peut être décrit et interprété, autrement qu’à travers les catégories de la pensée d’État. À partir d’une analyse de la double peine, et d’une longue description de la façon dont l’immigré, surtout de basse condition sociale, est tenu à une sorte d’hyper-correction sociale, Sayad permet de saisir l’immigration comme la limite de ce qu’est l’État national, limite qui donne à voir ce qu’il est intrinsèquement, sa vérité fondamentale : il est comme dans sa nature même de discriminer et, pour cela, de se doter préalablement de tous les critères de pertinence nécessaires pour procéder à cette discrimination - sans laquelle il n’y a pas d’État national - entre les « nationaux » et les « autres ». Cette fonction diacritique de définition, est constitutive de l’État sous toutes ses formes et tout au long de son histoire, mais elle est, semble-t-il, plus prescriptive dans le cas de l’État nationalement républicain, dans l’État qui prétend à une homogénéité nationale totale, c’est-à-dire une homogénéité sur tous les plans, politique, social, économique, culturel.

La mondialisation par le bas. L’émergence des communautés transnationales. PORTES Alejandro. p. 15-25

Cet article élabore le concept de « communauté transnationale » comme forme originale et potentiellement puissante d’adaptation par le bas à la mondialisation du capital qui est typiquement ignorée par la recherche conventionnelle et mécomprise par les États. L’émergence de communautés nourries par les migrations qui se tiennent à cheval sur les frontières politiques et déploient leurs relations et leurs activités sociales simultanément dans le pays de départ et le pays d’accueil trouve sa racine dans la logique même de l’expansion capitaliste. L’entreprenariat transnational, qui tire profit des différentiels d’information et de prix entre pays, nourrit la croissance cumulative de réseaux et de firmes dans lesquels s’ancrent les communautés transfrontalières de longue distance dont les membres vivent une « double vie » étirée à travers deux sociétés nationales. Ce mode distinctif d’adaptation immigrante est favorisé, d’une part, par l’assèchement des emplois industriels bien payés dans les pays avancés et, d’autre part, par la diminution spectaculaire des coûts de communication et de transport à longue distance. À terme, la transnationalisation du travail dont les communautés transnationales sont la manifestation est capable de freiner la croissance de l’inégalité internationale de richesse et de pouvoir. Toutefois, dans le court terme, elle peut avoir l’effet inverse et creuser les disparités régionales et de classes dans les pays d’émigration.

Sans-papiers. Les stratégies de séjour des immigrés clandestins. ENGBERSEN Godfried. p.26-38

Au concept de « stratégies de vie » développé par Zygmunt Bauman pour rendre compte du fonctionnement des sociétés modernes, Godfried Engbersen préfère celui de « stratégies de séjour », plus opératoire dans le cas des immigrés clandestins pour lesquels il apparaît vital d’éviter l’expulsion, et d’acquérir le statut de résident légal. À partir d’entretiens réalisés auprès de 169 immigrés en situation irrégulière fixés à Rotterdam, et d’informations émanant de fichiers de police, quatre stratégies importantes sont étudiées : 1) la mobilisation du capital social, 2) le mariage à but résidentiel, 3) les manipulations de l’identité personnelle, 4) la manifestation de prudence dans l’espace public. Leur dotation en capital social permet de hiérarchiser les clandestins : en haut de l’échelle, les immigrés bénéficiant d’une aide importante et durable de leur famille, amis et communauté ethnique d’origine, en bas, les sujets isolés, tributaires de relations marchandes. Les premiers, qui jouissent des meilleures conditions pour entrer dans le pays, s’y loger, y trouver du travail et accéder à des soins médicaux, ont également plus de chances de pouvoir contracter un mariage à but résidentiel, tactique problématique pour les clandestins en raison de leur statut de dominés. Reste le recours à diverses manipulations sur leur identité : usage de papiers d’emprunt ou de faux papiers, ouvrant l’accès au territoire et aux aides publiques, choix d’une nationalité stratégique ou suppression pure et simple de toute identité, rendant impossible la procédure d’expulsion. Si cette dernière stratégie permet à certains de remplir des tâches très « visibles » dans le cadre du trafic de stupéfiants, nombreux sont les clandestins qui préfèrent évoluer avec prudence dans l’espace public. La clandestinité constitue donc une « propriété cardinale » : c’est ici le secret, sous ses diverses formes, qui conditionne tous les échanges sociaux. Ici apparaissent les effets pervers des dispositions récentes en matière d’immigration : à l’Europe-forteresse s’est substituée une Europe panoptique gardienne de l’organisation et des ressources des États-providence, qui, parce qu’elle criminalise les « sans-papiers », les force à s’enfoncer toujours davantage dans la clandestinité, créant ainsi sa propre criminalité.

La criminalisation des migrants. PALLIDA Salvatore. p.39-49

Au cours de ces dernières années, dans presque toutes les sociétés européennes, les problèmes sociaux ont tendu à être perçus et traités de plus en plus souvent comme des problèmes d’insécurité et attribués de plus en plus systématiquement à l’immigration dite « clandestine » ou aux jeunes d’origine étrangère. Pour rendre compte de ce processus, il faut le rapporter à une tendance globale à la criminalisation de l’immigration, qui a résulté à la fois d’une transformation des représentations dominantes de ce phénomène et d’une inflexion profonde dans les politiques étatiques. Dans un contexte de dégradation économique et sociale persistante des sociétés d’émigration, le phénomène d’immigration a changé de signification, puisqu’il s’accompagne désormais d’une représentation dissociée du cadre légal dans lequel elle s’était jusque-là réalisée. La crise du modèle traditionnel du côté des immigrés et de leurs sociétés d’origine s’accompagne ainsi d’un consensus de plus en plus favorable à la criminalisation de l’immigration au sein des sociétés européennes.

De l’étranger à l’immigré. La magie sociale d’une catégorie statistique. SPIRE Alexis. p.50-56

En 1990, le Haut Conseil à l’intégration a donné un contenu statistique au terme d’immigré en lui associant une définition d’inspiration démographique : « est immigrée toute personne née étrangère à l’étranger ». Le critère juridique d’étranger s’est ainsi trouvé, dans le système statistique, relégué au second plan. Une telle opération de magie sociale n’a pu se réaliser qu’au terme d’un long processus d’institutionnalisation auquel sages et experts ont été associés. Fondée sur la distinction entre « Français de naissance » et « Français par acquisition », cette catégorie statistique d’immigré paraît claire et rigoureuse pour le statisticien mais sa mise en œuvre soulève certaines difficultés. L’étude de l’évolution dans le temps des déclarations de nationalités, grâce à l’Échantillon démographique permanent, laisse apparaître un flou qui tend à être dissimulé dans les exploitations standards.

Une institutrice et ses « petits étrangers ». GOURIR Malika. p.57-62

Des « ennemis commodes ». Étrangers et immigrés dans les prisons d’Europe. WACQUANT Loïc. p.63-67

La très forte sur-représentation des étrangers dans les prisons d’Europe (comparable, voire supérieure dans certains cas, à celle des Noirs dans les pénitenciers d’Amérique), la multiplication des centres de rétention pour migrants en situation irrégulière, la redéfinition de l’immigration comme un problème de « sécurité », la diligence et la sévérité spéciales avec lesquelles la police et la justice traitent les personnes de phénotype non-européen, l’amalgame croissant, dans les discours politique et médiatique, entre immigration, illégalité et criminalité : la convergence de ces phénomènes autorise à parler d’un processus de criminalisation des immigrés en Europe, processus qui fait de l’étranger un « ennemi commode » — selon l’expression de Nils Christie - à la fois symbole et cible de toutes les anxiétés sociales, comme le sont les afro-américains des ghettos aux États-Unis. La prison et le marquage qu’elle effectue participent activement à la fabrication d’une catégorie transeuropéenne de « sous-blancs » taillée sur mesure pour justifier une dérive vers la gestion pénale de la pauvreté qui, par effet de halo, tend à s’appliquer à l’ensemble des couches populaires minées par le chômage de masse et par l’emploi flexible. L’évolution des pratiques policières et de l’emprisonnement ségrégatif des étrangers, immigrés et assimilés offre ainsi un indicateur avancé du degré auquel l’Union européenne résiste ou se conforme à la politique américaine de pénalisation de la misère comme complément de la généralisation de l’insécurité salariale et sociale.

Les ghettomen. Les gangs de rue à Abidjan et San Pedro. LATOUR Éliane de. p.68-84

Les ghettos en Côte d’Ivoire recouvrent l’ensemble des pratiques illégales, du vol au braquage en passant par la drogue et l’escroquerie : les sciences. Ce milieu est structuré par un cycle d’initiation qui amène les fistons à devenir vieux pères. L’expérience commence par une période probatoire où il faut montrer son cœur, son courage par une capacité à « monter aux extrêmes ». La mort est sans cesse risquée jusqu’au moment où la vie devient à nouveau plus importante : le cœur meurt, et c’est la phase descendante. Personne ne vieillit au ghetto, conçu comme un passage au cours duquel des maîtrises ont été acquises, celle de la violence, celle du minss (mind), celle des valeurs modernes... L’oscillation permanente entre la loi de la jungle et la loi du sang fait d’une bande un monde hobbien et une famille solidaire. Les codes de référence se construisent autour de l’honneur et du respect du nom qui doit être défendu en toute circonstance. Le désir intense de renommée, proche de celui des héros belliqueux qui ont marqué l’histoire africaine, épouse la vision contemporaine qui fait du monde un théâtre d’images où seule compte la reconnaissance médiatique. L’aboutissement ultime du rêve se situe dans l’eldorado occidental, perçu comme une terre de richesse et de liberté où tout peut se réaliser. Le détour par l’illégalité s’inscrit dans une utopie sanglante et mortelle pour revenir « autre » dans la société adulte.